L'activité économique mondiale a subi une chute vertigineuse au deuxième trimestre de 2020, en raison de mesures de confinement généralisées visant à parer la pandémie de COVID-19 qui se développait alors.
Cette profonde et courte récession a été suivie d'un fort rebond entre la mi-2020 et la mi-2021. Au dernier trimestre de 2021, la plupart des pays se retrouvaient de nouveau dans la phase de maturité du cycle économique tout comme avant la pandémie, en février 2020.
Les obstacles à la croissance sont alors devenus plus importants. La rareté de la main-d’œuvre, la hausse des salaires et l'atténuation des politiques monétaires expansionnistes ont émergé comme de nouvelles préoccupations. Surtout, la hausse importante de l’inflation a été bien au-delà des attentes. Les causes résidant principalement dans la force du rebond, les perturbations des chaînes d’approvisionnement, la générosité fiscale des gouvernements à l'égard des ménages et le transfert de la consommation des services vers les biens.
N'ayant plus de terrain à rattraper, la croissance des économies a naturellement ralenti par rapport au rythme élevé connu récemment.
La combinaison d'un cycle mature, de l'assouplissement des banques centrales et d'une inflation élevée a commencé à pousser les taux d'intérêt à la hausse. Si bien qu’en début de 2022, la progression prévue des taux et le ralentissement de la croissance économique sont devenus des risques importants pour les marchés boursiers.
Nous avons écrit en janvier dernier que les principales préoccupations géopolitiques concernaient l'invasion de la Russie en Ukraine orientale et la rhétorique belliqueuse de la Chine à l'égard de Taïwan.
Malheureusement, la première crainte s'est concrétisée. Sans être prévisible, elle n'était pas inattendue.
En 2007, le président russe Vladimir Poutine, dans un discours prononcé lors de la conférence de Munich sur la sécurité, a répudié les accords conclus après 1989, après la chute du mur de Berlin, en vertu desquels de nombreux pays qui faisaient partie de la sphère d'influence de l'Union soviétique se sont rapprochés de l'Ouest. Fidèle à lui-même, Poutine a par la suite envahi la Géorgie en 2008, et a occupé la Crimée et la région de Donbass, dans l'est de l'Ukraine, en 2014. Récemment, il a clairement indiqué que l'Ukraine ne devait pas exister en tant que pays à part entière, mais devait être intégrée à la Russie.
Compte tenu de l'ensemble dévastateur de sanctions juridiques, financières et économiques imposées par les pays avancés et de l'incertitude accrue due à l'invasion russe de l'Ukraine, nous nous attendons à ce que l'économie mondiale subisse des tensions supplémentaires, l'inflation augmentant encore et restant élevée plus longtemps. Cette invasion va également exacerber la tendance actuelle à la décélération de la croissance.
Une incertitude grandissante, des bouleversements économiques et une inflation plus élevée sont autant de facteurs négatifs pour les marchés boursiers.
Historiquement, les marchés d'abord reculent au début des actions militaires pour ensuite rebondir lorsque le sommet initial d'incertitude s'estompe. C'est ce qui s'est produit au début de la guerre du Vietnam (août 1964), de la guerre du Golfe (janvier 1991), de la guerre d'Afghanistan (octobre 2001), de la guerre d'Irak (mars 2003) et de la crise de Crimée (février 2014). Le dicton anglais « buy the dips » (acheter les creux) traduit ce comportement.
Nous sommes toutefois moins certains que cela produise rapidement cette fois-ci pour quatre raisons : i- le conflit armé est majeur et la crise, extrême, et l’incertitude demeurera forte, ii- la croissance économique ralentissait déjà, iii- l’inflation est élevée et les taux d’intérêt sont en hausse, et iv- l'extraordinaire série de sanctions initiées par les pays avancés.
Si la croissance lente et l’inflation élevée persistent, une période de stagflation pourrait s'installer. Toutefois, comme nous l'avons écrit il y a deux mois, cette situation n'est pas nécessairement mauvaise pour les marchés boursiers.
Compte tenu de l'inflation élevée (y compris les prix élevés de l'énergie) et de la hausse des taux d'intérêt, tous deux de puissants freins à la croissance, et du ralentissement de la croissance économique, nous avons commencé à faire évoluer les portefeuilles gérés par Triasima en novembre 2021 vers une nouvelle structure.
En résumé, les portefeuilles ont vu une combinaison d’ajouts aux secteurs de l'Énergie et des Matériaux et de réduction de la pondération des titres cycliques des secteurs Industriel et de la Consommation discrétionnaire. Nous avons également éloigné les portefeuilles du facteur croissance en réduisant la pondération du secteur des Technologies. Dans certains cas, nous avons aussi récemment commencé à introduire des titres à caractère défensif et stable.
Par ailleurs, dans le cas des mandats équilibrés, Triasima a augmenté la pondération des obligations tout en diminuant celle des actions.
Ces changements, amorcés en novembre 2021, se sont accélérés en 2022, lorsque les entraves à la croissance sont devenues plus concrètes. Ainsi, il ne s’avère pas nécessaire de bouleverser soudainement les portefeuilles en raison de l'invasion de l'Ukraine; nous poursuivons simplement l'évolution déjà en cours.
Une nouvelle conséquence de l'invasion est toutefois l'augmentation des réserves de liquidités dans les portefeuilles, résultat de l'incertitude accrue et du fait que nous trouvons plus de titres à vendre qu'à acheter.
Enfin, aucun portefeuille client géré par Triasima ne détenait de titre russe avant l'invasion.
Au début de l'année, nous nous attendions à ce que le marché boursier canadien surpasse le marché américain. L'indice composé S&P/TSX, par rapport à l'indice S&P 500, détient plus de ressources naturelles et est moins exposé au facteur croissance, dont la performance est inversement corrélée à la direction des taux d'intérêt. Ce point de vue demeure inchangé.
Bien qu’au ralenti, le progrès économique demeure et les bénéfices croissent. Nous prévoyions que les marchés boursiers généreraient des rendements positifs en 2022, probablement près des moyennes historiques, soit entre 6 % et 12 %, pourvu que les taux d'intérêt à long terme demeurent dans la fourchette de 2,5 % à 3,0 %.
Nous devons revoir ces prévisions à la baisse. La guerre et les sanctions maintiendront l'inflation et les taux d'intérêt à un niveau élevé plus longtemps, déprimeront l’humeur du marché et ralentiront davantage la croissance économique. La contraction attendue des marchés boursiers devrait s’avérer plus prononcée et plus longue.
Les marchés d'actions finiront par remonter et atteindre de nouveaux sommets, mais un nouveau marché haussier se fera attendre. Toutefois, nos attentes pour les rendements des actions en 2022 demeurent toujours positives et reposent sur une reprise plus tard dans l'année.
Les données financières présentées sont en dollars canadiens.